Démarche créatrice
Mon travail s’articule autour de l’exploration de la thématique de la collection en regard avec les préoccupations d’environnement et de survie qui m’habitent. Tour à tour, l’installation de paysages monumentaux ont voulu questionner l’incertitude de nos champs d’avenir, des répertoires d’individus-clones froids et aliénés ont été élaborés et confrontés au symbolisme d’espaces-paysages lyriques, des répertoires hydrographiques ont été montés et destinés à l’archivage et, plus récemment, des oeuvres constituées de prélèvements de reliques humaines ont voulu décrier la guerre et les atrocités générées par les luttes raciales tout en attirant le regard sur la ténuité entre le fictif et le réel. Ma démarche artistique m’amène ainsi à créer des oeuvres-collections qui nécessitent et incluent dans leur processus un long travail de recherche, de collecte d’artefacts, de triage, de répertoriage, de classement, d’étalement et de catalogage de ces artefacts dans des structures qui piègent la destinée humaine. Quel que soit le motif, je traite toujours de l’aliénation et de l’écologie (rapports des êtres humains entre eux ou avec leurs milieux de vie).
La confrontation des éléments est un des moyens privilégiés dans l’élaboration de l’installation et dans les mécanismes de représentation pour exprimer le propos de ma démarche et atteindre le spectateur. L’utilisation fréquente de deux codes esthétiques mis en parallèle ou en opposition ouvre le dialogue, crée le sens de l’oeuvre et brouille les grilles de lecture habituelles, ce qui pousse celui-ci à se questionner sur ce qu’il voit et ce qu’il vit à travers l’oeuvre.
Au fil des ans, j’ai développé une grande sensibilité au lieu. La vision de l’espace global d’installation m’intéresse tout autant que le regard intime sur les artefacts. Je travaille donc à créer des espaces signifiants, des lieux-paradoxes. Ce regard global me permet de proposer une situation d’installation où l’oeuvre devient un véritable lieu habité par les manipulations du spectateur et/ou par ses déplacements et déambulations entre les différents éléments. Entre alors en jeu la notion d’éphémérité. Ce contexte particulier transforme l’espace en situation d’émotions mettant ainsi de côté, pour un temps, raison et séduction.
Récemment, mes réflexions sur la collection et sur la survie de l’individu se sont regroupées et condensées sur un seul et même support, soit des bâches récupérées de l’armée, sorte d’étendards de la domination raciale dont la forme écartelée rappelle la crucifixion. Sur ces toiles, cohabitent maintenant la vie et la mort. Des symboles de végétaux sont peints directement sur le support et des reliques humaines de petites tailles (mèches de cheveux cousues sur de la peau ou coussins de peau bourrés de cheveux) sont apposées et ordonnées près des symboles de vie.
Quelques récents séjours en Amérique latine m’ont sensibilisée encore davantage aux différents enjeux sociaux reliés aux luttes sociales et ethniques ainsi qu’à l’urgence de réagir. L’attachement à la vie dont font preuve ces populations a rejoint l’espoir véhiculé par le volet peinture des installations et m’a ainsi incitée à retrouver l’expressivité de la couleur et à sonder ses multiples possibilités. Pour un moment, la monochromie et l’utilisation d’éléments froids et aseptisés ont donc été mis de côté au profit de la peinture et de la couleur.