Souvenirs de guerre (1995-2002)
Souvenirs de guerre se veut la continuité de la réflexion amorcée avec les répertoires d'individus-clones et les prélèvements de reliques humaines (1995-99). C'est en quelque sorte une critique sociale et historique sur les génocides et l'épuration raciale sur lesquels, trop souvent, nous fermons les yeux.
Ainsi, Souvenirs de guerre est un reliquaire visuel qui aborde les thèmes du conquérant, du contrôle et du trophée, par la mise en images de prélèvements d'éléments de la nature, vivants ou calcinés (vainqueurs ou vaincus). Ces différents éléments, gorgés de couleurs ou calcinés sont présentés en séries et alignés pour observation. La plupart sont isolés, lovés dans les limites qu'impose à chacun un cadre chromatique rigide, sorte de grillage qui évoque une case ou une prison mise en place pour contrôler les individus et délimiter l'espace qui leur sera attribué. C'est toute l'idée de la défense et de la sauvegarde du territoire élaboré depuis le travail sur la cartographie (1990-94) qui est récupérée. Souvenirs de guerre est donc constitué d'une série de tableaux qui dialoguent sur la vie et la mort par le biais de prélèvements végétaux et sexuels, vivants ou calcinés, et par un jeu symbolique de la couleur.
La fougère et la tête de violon sont des motifs sollicités de façon récurrente pour les "calcinés". C'est que la souplesse et la lourdeur inhérentes à leur constitution les rendent malléables. Leur allure naturelle est celle de la résignation, de la soumission et du repli sur soi. Ces végétaux deviennent donc très chargés de symboles. Quant aux "vivants", ils apparaissent majoritairement tassés les uns sur les autres, de façon drue et luxuriante, solidaires dans leur force, leur vénerie et la plénitude de leur palette de couleurs. Leurs profils pleins de mouvance s'apparentent aux rhizomes, aux spermatozoïdes ou aux ovules. Ils sont symboles de fécondité.
Cette série est élaborée sur un registre beaucoup plus émotif et instinctif. Le propos demeure conceptuel dans sa thématique, mais s'exalte dans une redéfinition sémantique de la peinture contemporaine. La représentation des formes végétales, phalliques et utérines, est reprise, mais avec un code symbolique élargi. Ces formes incarnent à elles seules la vie et la mort selon l'interprétation de la couleur. Elles sont des reliques laissées par un jeu de guerre. Elles sont la mémoire et l'anonymat.
C'est donc tout le questionnement sur la mort, sur l'ordre et sur la perfection à la fois insupportable et insurmontable du fascisme qui est ici abordé, dans un jeu d'oppositions et de cohabitations des motifs qui viendra créer la dynamique du lieu d'exposition. Et par le fait même, celui de la norme et des canons de beauté.
Ainsi, Souvenirs de guerre est un reliquaire visuel qui aborde les thèmes du conquérant, du contrôle et du trophée, par la mise en images de prélèvements d'éléments de la nature, vivants ou calcinés (vainqueurs ou vaincus). Ces différents éléments, gorgés de couleurs ou calcinés sont présentés en séries et alignés pour observation. La plupart sont isolés, lovés dans les limites qu'impose à chacun un cadre chromatique rigide, sorte de grillage qui évoque une case ou une prison mise en place pour contrôler les individus et délimiter l'espace qui leur sera attribué. C'est toute l'idée de la défense et de la sauvegarde du territoire élaboré depuis le travail sur la cartographie (1990-94) qui est récupérée. Souvenirs de guerre est donc constitué d'une série de tableaux qui dialoguent sur la vie et la mort par le biais de prélèvements végétaux et sexuels, vivants ou calcinés, et par un jeu symbolique de la couleur.
La fougère et la tête de violon sont des motifs sollicités de façon récurrente pour les "calcinés". C'est que la souplesse et la lourdeur inhérentes à leur constitution les rendent malléables. Leur allure naturelle est celle de la résignation, de la soumission et du repli sur soi. Ces végétaux deviennent donc très chargés de symboles. Quant aux "vivants", ils apparaissent majoritairement tassés les uns sur les autres, de façon drue et luxuriante, solidaires dans leur force, leur vénerie et la plénitude de leur palette de couleurs. Leurs profils pleins de mouvance s'apparentent aux rhizomes, aux spermatozoïdes ou aux ovules. Ils sont symboles de fécondité.
Cette série est élaborée sur un registre beaucoup plus émotif et instinctif. Le propos demeure conceptuel dans sa thématique, mais s'exalte dans une redéfinition sémantique de la peinture contemporaine. La représentation des formes végétales, phalliques et utérines, est reprise, mais avec un code symbolique élargi. Ces formes incarnent à elles seules la vie et la mort selon l'interprétation de la couleur. Elles sont des reliques laissées par un jeu de guerre. Elles sont la mémoire et l'anonymat.
C'est donc tout le questionnement sur la mort, sur l'ordre et sur la perfection à la fois insupportable et insurmontable du fascisme qui est ici abordé, dans un jeu d'oppositions et de cohabitations des motifs qui viendra créer la dynamique du lieu d'exposition. Et par le fait même, celui de la norme et des canons de beauté.
Construites sur des bâches usagées de l'armée, ces 4 oeuvres évoquent la guerre. Elles utilisent, pour cette évocation, un ensemble de symboles: Végétaux calcinés, feu, peau (cuir), cheveux et fougères (végétaux reviviscents).
Vingt jolis petits coussins pour Fräulein Ilse Koch. Acier, cuir, cheveux, bois, photo, clous et fil. 152 X 183 X 274 cm, 1997
Ilse Koch est une femme allemande qui, lors de la deuxième guerre mondiale, collectionnait des abat-jour fabriqués avec la peau des Juifs.
Cette oeuvre propose à Fräulein Koch une collection de petits coussins de peaux (animales) cousus à la main et bourrés de cheveux humains.
Au mur, sur un présentoir d'acier noir, sont exposés en alternance des photos en camaïeu de troupeaux de moutons et de soldats marchant au pas. Les longues tables d'acier noir sur lesquelles reposent les petits coussins, telles des tombeaux, symbolisent le chemin de l'histoire des peuples qui se répète, l'homme ayant occulté toute mémoire. Les coussins étalés, témoignage de mort, nous transmettent une sensation d'étouffement. En effet, les coutures apparentes ont peine à retenir la masse de cheveux débordants.
Ilse Koch est une femme allemande qui, lors de la deuxième guerre mondiale, collectionnait des abat-jour fabriqués avec la peau des Juifs.
Cette oeuvre propose à Fräulein Koch une collection de petits coussins de peaux (animales) cousus à la main et bourrés de cheveux humains.
Au mur, sur un présentoir d'acier noir, sont exposés en alternance des photos en camaïeu de troupeaux de moutons et de soldats marchant au pas. Les longues tables d'acier noir sur lesquelles reposent les petits coussins, telles des tombeaux, symbolisent le chemin de l'histoire des peuples qui se répète, l'homme ayant occulté toute mémoire. Les coussins étalés, témoignage de mort, nous transmettent une sensation d'étouffement. En effet, les coutures apparentes ont peine à retenir la masse de cheveux débordants.
Nettoyage 39-45. Centro Recoleta à Buenos Aires, Argentine. Polyptyque 9 morceaux. Papier Arches, toile, huile, acrylique, crayons, cuir,
cheveux, bois et fil. 5 pièces de 152 X 107 cm et 4 pièces de 122 X 46 cm, 1999
cheveux, bois et fil. 5 pièces de 152 X 107 cm et 4 pièces de 122 X 46 cm, 1999
Nettoyage 39-45 est une oeuvre qui traite d'épuration ethnique. Elle confronte la vie et la mort. En effet, de grands paysages lyrique sont juxtaposés à de petites collections de cheveux humains, véritables reliques des disparus. N'étant conscients que d'une partie des horreurs, il faut ici soulever la toile pour découvrir l'ampleur du répertoire, du massacre.
Le mot génocide est souvent lié à la Shoah. Ces événements pourtant décriés par tous n'ont pas servi de leçon. Est-ce l'Homme qui ne se souvient pas ou la volonté de pouvoir qui étouffe sa mémoire? S'agit-il d'un génocide qui eut lieu voilà plus de soixante ans ou d'un génocide africain se déroulant sous nos yeux?
Le mot génocide est souvent lié à la Shoah. Ces événements pourtant décriés par tous n'ont pas servi de leçon. Est-ce l'Homme qui ne se souvient pas ou la volonté de pouvoir qui étouffe sa mémoire? S'agit-il d'un génocide qui eut lieu voilà plus de soixante ans ou d'un génocide africain se déroulant sous nos yeux?
Série de 16 peintures, huile sur papier Arches, approximativement 108 X 153 cm chacune , 1997
Multipliez-vous sur fond noir métal. Installation Galerie Lilian-Rodriguez, procédés divers, 3 X 10 X 7 mètres, 1997
Multipliez-vous sur fond noir métal allie deux thèmes, soient l'aliénation humaine et la collection. Il s'agissait avant tout de créer un lieu d'observation, de plonger le spectateur dans un monde aujourd'hui encore irréel, mais plausible et peut-être probable dans un avenir éventuel. Un lieu où toute hiérarchie sociale est bannie, où l'être humain est réduit à un numéro imprimé sur une fiche jointe à une relique, véritable échantillon prouvant son existence passée. Un lieu où pullule tout autour une vie qui s'acharne.
Cet espace est composé de deux ensembles d'éléments s'opposant en tous points dans leurs codes esthétiques et dans leurs significations, mais ayant le même dessein de produire une émotion.
En effet, au sol, disposées dans un ordre et un alignement parfaits, douze tables d'acier noir et froid, basses et grillagées contiennent 180 mèches de cheveux appartenant à 180 individus fichés. Ces échantillons humains sont soigneusement cousus sur des morceaux de cuir brut rappelant, bien sûr la peau. Les mèches cousues côtoient une numérotation qui renvoient à plus d'informations sur ces individus. Le système de codage de ces fiches est ouvert à ses deux extrémités, ce qui peut laisser supposer que cet inventaire n'est qu'une infime partie d'un répertoire beaucoup plus vaste. L'histoire de ces personnes est ainsi réduite à bien peu de choses. Elles reposent enserrées dans leurs petits casiers comme en autant de tombeaux. Ces tables lourdes et froides sont, nous semble-t-il, immuables pour l'éternité, cheveux et peaux utilisant peu d'espace, étant de conservation facile et contenant toute l'information génétique voulue. Le choix du métal pour la confection des tables est délibéré. En effet, aucun matériau n'est à la fois aussi stable et résistant, aussi inébranlable et impassible, aussi triste et mort.
Épinglés librement au mur et disposés tout autour des douze tables, les grands dessins couleurs de terre s'alignent comme autant d'hymnes à la vie. Le choix du support-papier est tout aussi intentionnel: sa fragilité, sa blancheur et son instabilité sont l'image de toute la précarité et de toute la fugacité dans lesquelles nous sommes plongés chaque jour. S'opposant tout à fait au langage pictural des tables, ces peintures sont de véritables images de lumière, traitées avec les gestes larges et passionnés du lyrisme, où abondent les symboles sexuels : formes utérines, vulvaires, ovoïdes, spiralées, phalliques. Ces symboles sont une allégorie de l'énergie et du dynamisme. L'utilisation des jaunes accentue la désolation des tables de métal noir si froides et, du même coup, ajoute aux dessins sensualité et plénitude. C'est Eros qui se rit de Thanatos.
La confrontation des deux ensembles d'éléments qui composent l'installation crée le sens et brouille à tour de rôle la lecture du spectateur. Situé entre la vie et la mort, entre l'aliénant et l'espoir, il fixe son regard d'abord sur ces reliques humaines rigoureusement fichées. Elles sont incontestables et il réalise qu'il pourrait lui-même être ainsi répertorié dans un proche avenir. Puis son regard se pose sur cette suite d'éloges à la vie et alors il ne sait plus. La tension ainsi créée le plonge dans l'incertitude.
Cet espace est le lieu occupé par l'histoire de ces personnes consignées. Il est le lieu d'une réflexion et d'une émotion nous conscientisant à la valeur inestimable et l'unicité de tout être humain. À l'heure des génocides, des manipulations génétiques et du saccage de la planète, ce travail m'est apparu essentiel.
Cet espace est composé de deux ensembles d'éléments s'opposant en tous points dans leurs codes esthétiques et dans leurs significations, mais ayant le même dessein de produire une émotion.
En effet, au sol, disposées dans un ordre et un alignement parfaits, douze tables d'acier noir et froid, basses et grillagées contiennent 180 mèches de cheveux appartenant à 180 individus fichés. Ces échantillons humains sont soigneusement cousus sur des morceaux de cuir brut rappelant, bien sûr la peau. Les mèches cousues côtoient une numérotation qui renvoient à plus d'informations sur ces individus. Le système de codage de ces fiches est ouvert à ses deux extrémités, ce qui peut laisser supposer que cet inventaire n'est qu'une infime partie d'un répertoire beaucoup plus vaste. L'histoire de ces personnes est ainsi réduite à bien peu de choses. Elles reposent enserrées dans leurs petits casiers comme en autant de tombeaux. Ces tables lourdes et froides sont, nous semble-t-il, immuables pour l'éternité, cheveux et peaux utilisant peu d'espace, étant de conservation facile et contenant toute l'information génétique voulue. Le choix du métal pour la confection des tables est délibéré. En effet, aucun matériau n'est à la fois aussi stable et résistant, aussi inébranlable et impassible, aussi triste et mort.
Épinglés librement au mur et disposés tout autour des douze tables, les grands dessins couleurs de terre s'alignent comme autant d'hymnes à la vie. Le choix du support-papier est tout aussi intentionnel: sa fragilité, sa blancheur et son instabilité sont l'image de toute la précarité et de toute la fugacité dans lesquelles nous sommes plongés chaque jour. S'opposant tout à fait au langage pictural des tables, ces peintures sont de véritables images de lumière, traitées avec les gestes larges et passionnés du lyrisme, où abondent les symboles sexuels : formes utérines, vulvaires, ovoïdes, spiralées, phalliques. Ces symboles sont une allégorie de l'énergie et du dynamisme. L'utilisation des jaunes accentue la désolation des tables de métal noir si froides et, du même coup, ajoute aux dessins sensualité et plénitude. C'est Eros qui se rit de Thanatos.
La confrontation des deux ensembles d'éléments qui composent l'installation crée le sens et brouille à tour de rôle la lecture du spectateur. Situé entre la vie et la mort, entre l'aliénant et l'espoir, il fixe son regard d'abord sur ces reliques humaines rigoureusement fichées. Elles sont incontestables et il réalise qu'il pourrait lui-même être ainsi répertorié dans un proche avenir. Puis son regard se pose sur cette suite d'éloges à la vie et alors il ne sait plus. La tension ainsi créée le plonge dans l'incertitude.
Cet espace est le lieu occupé par l'histoire de ces personnes consignées. Il est le lieu d'une réflexion et d'une émotion nous conscientisant à la valeur inestimable et l'unicité de tout être humain. À l'heure des génocides, des manipulations génétiques et du saccage de la planète, ce travail m'est apparu essentiel.
Prélèvements. Bois, cuir, cheveux, clous, papier, plexiglass, coton, photos, fil, crayons, acrylique. 125 X 51 X 51 cm, 1995
Collection Musée d'art de Joliette
Collection Musée d'art de Joliette
Prélèvements est l'élaboration d'un répertoire de reliques humaines. J'ai choisi des mèches de cheveux, une centaine, provenant d'autant de personnes et répertoriées depuis le début du vingtième siècle. L'intérêt réside dans le fait que nous pouvons maintenant, à partir d'une seule cellule humaine, reconstruire la chaîne chromosomique de l'individu.
Les mèches de cheveux, comme autant d'initiales codées et numérotées, sont accompagnées de la photo de la personne. C'est donc toute l'hérédité et toute l'histoire de ces hommes, femmes et enfants qui y sont inscrites. Qu'attendent-ils tous ainsi enserrés dans leur grille et emprisonnés sous plexiglass?
L'oeuvre pose aux spectateurs les questions suivantes:
- Pourquoi garder ces reliques codées?
- Pourquoi ces personnes-ci plutôt que d'autres?
- Comment pourrait-on utiliser ces génotypes?
- N'est-il pas touchant et assez effrayant de penser qu'on pourrait cloner ces individus?
- Ainsi, peut-on parler de mort véritable?
Les mèches de cheveux, comme autant d'initiales codées et numérotées, sont accompagnées de la photo de la personne. C'est donc toute l'hérédité et toute l'histoire de ces hommes, femmes et enfants qui y sont inscrites. Qu'attendent-ils tous ainsi enserrés dans leur grille et emprisonnés sous plexiglass?
L'oeuvre pose aux spectateurs les questions suivantes:
- Pourquoi garder ces reliques codées?
- Pourquoi ces personnes-ci plutôt que d'autres?
- Comment pourrait-on utiliser ces génotypes?
- N'est-il pas touchant et assez effrayant de penser qu'on pourrait cloner ces individus?
- Ainsi, peut-on parler de mort véritable?